Internet : Qui décide ?

Les normes et instituts de normes

Pouvons-nous communiquer si nous ne comprenons pas la même langue? Non, sauf bien sûr si nous avons la chance d'avoir un interprète et dans ce dernier cas la communication n'est pas aussi simple. La même situation se retrouve dans les réseaux informatiques.

Pour faciliter les communications entre les machines, des normes ont été établies. L'avantage de la norme si elle est bien documentée, publique et libre d'accès est que chacun, constructeur ou éditeur de logiciel, peut la réaliser dans ses produits.

C'est le rôle des instituts de normes, comme l'ISO qui regroupe la plupart des pays du monde, et de l'AFNOR en France, d'éditer et diffuser ces normes.

De très nombreuses normes entrent en jeu dans le fonctionnement d'internet et des réseaux informatiques. C'est le cas de du protocole de l'internet dans lequel on retrouve la définition des adresses IP dont nous avons parlé. C'est aussi le cas des protocoles et langages du Web dont nous parlerons bientôt. L'existence de ces normes est une raison majeure du succès planétaire du web. Sans elles, le web serait sans doute un archipel d'îles isolées plutôt qu'une toile.

Pressions

Mais imaginez maintenant un standard industriel breveté et protégé par une unique société à la place d'une norme mondiale libre et ouverte. Cette société aurait un pouvoir considérable. Évidemment, les enjeux économiques du numérique étant si importants que de nombreuses tentations ont été observées pour contourner les normes ou imposer son standard. C'est un peu le rôle de chacun de veiller à éviter ces dérives et une éducation numérique contribue à donner des armes aux citoyens pour comprendre ces enjeux et agir en conséquence.

À voir "Une contre-histoire d'internet", de Sylvain Bergère. Retour sur les mouvements de défense des libertés sur internet, apparus en réaction à la régulation croissante du web : https://www.youtube.com/watch?v=tztUb=IP=b5oQ&feature=youtu.be

Les structures politiques

Au niveau d'internet, en plus des normes qui régissent les moyens de communiquer les informations à travers le réseau, il faut également contrôler l'organisation du réseau. Nous pouvons illustrer cela en étudiant la structure politique mise en œuvre pour attribuer les adresses IP et les noms.

Nous avons expliqué que lorsqu'une machine rejoint internet, elle rejoint d'abord un réseau local et l'autorité possédant ce réseau local lui attribue un numéro IP . Ce numéro est choisi dans un ensemble de numéros dont un organisme de tutelle a confié la responsabilité. Cet organisme de tutelle a lui-même un ensemble de numéros à sa disposition et ainsi de suite. Au sommet de cette hiérarchie de responsabilités, se trouve l'ICANN. L'ICANN délègue ensuite à 5 structures correspondant à 5 grandes régions du monde. Ceux-ci délèguent aux organisations locales dans lesquelles on retrouve en autres les sociétés qui vous louent les BOX ADSL. Il y en a plusieurs centaines en France.

Pour les noms de l'internet l'organisation politique est très similaire, hiérarchique également avec au sommet encore une fois l'ICANN. On retrouve cette hiérarchie dans la façon avec laquelle sont construit les noms. Par exemple la machine appelée www.univ-lille3.fr désigne une machine appelée www dans un domaine de nommage plus grand, univ-lille3.fr , qui comprend également live3.univ-lille3.fr ou formations.univ-lille3.fr ... Le domaine univ-lille3.fr est lui même dans un domaine plus grand encore le .fr .

L'université gère les noms dans son domaine alors que l'AFNIC gère tous les noms en .fr .

À qui appartient internet ?

La structure politique que nous venons de décrire a son miroir technologique. En effet, l'ensemble machines qui assurent le service d'associer noms et adresses forme également une hiérarchie. Comme nous l'avons vu dans une activité précédente, au sommet de cette hiérarchie se trouvent seulement 13 machines. Si elles s'arrêtaient, internet serait inutilisable. Des cyberattaques ont même eu lieu plusieurs fois pour tenter de les mettre en panne... Ces 13 ordinateurs sont presque tous aux États-Unis et appartiennent souvent à des sociétés privées. On est en droit de se demander une fois de plus à qui donc appartient internet ?

L'organisation politique des noms et des IP est elle aussi souvent remise en cause car les institutions importantes comme l'ICANN sont de droit américain.

La plupart des câbles qui sillonnent la planète appartiennent également à des sociétés privées. Aux États-Unis, Comcast, le plus gros opérateur est en passe de racheter le second (Time Warner Cable).

Et les routeurs dont nous avons parlé sont très souvent fabriqués par l'entreprise Cisco, une entreprise américaine....

À tout niveau, des situations de monopole peuvent apparaître et avec elles, le risque de perdre des libertés pour l'usager : liberté de choix, liberté de communiquer.

Une société de surveillance généralisée

Nous avons vu que les informations que nous communiquons passent par des routeurs. Ceux-ci peuvent assurer des fonctions de filtrage des contenus et de journalisation (ou mémorisation de l'historique des échanges). En France, les fournisseurs d'accès à internet, dont l'université, sont tenus de pouvoir répondre à des enquêtes provenant de juges : qui a consulté ce site tel jour à telle heure ? Donc, à l'université, au travail ou chez vous, une mémorisation est faite.

Toutefois mémorisation ne signifie pas systématiquement surveillance ou espionnage. La CNIL par exemple, et bien sûr la justice, doivent protéger les citoyens contre ces abus. Mais leurs moyens ne sont pas toujours à la hauteur de leurs missions... Et les affaires comme PRISM ont montré que cette question dépasse largement le cadre Français.